29 mars 2024

Modeste point de vue sur la prison

En ce moment dans l’actualité, on parle beaucoup de prison. Je ne souhaite pas ici évoquer l’évasion de Redouane Faïd, mais le statut de la prison dans notre société. En effet en ce moment on ne compte plus les personnalités politiques, partis politiques (de gauche, voire d’extrême gauche), et experts qui remettent en cause le bien-fondé de l’enfermement en prison des délinquants, criminels, et autres malfaiteurs. On pourra notamment citer la ministre de la Justice Christianne Taubira qui « Veut en finir avec les peines planchers », « Haro sur la prison », ou encore mieux « tout sauf la prison »

Certains vont même encore plus loin, ainsi le NPA (Nouveau Parti Anticapitaliste) dans un communiqué souhaite carrément la destruction du système carcéral: « Le système carcéral n’est pas à aménager ou à améliorer, il doit être détruit ».

On peut aussi se référer à l’ouvrage de Catherine Baker, journaliste française, qui a publié en 2004 son livre Pourquoi faudrait-il punir ? Sur l’abolition du système pénal (Lire en ligne l’ouvrage).

Ce pose aussi certaines questions légales comme le travail en prison plus ou moins remis en cause devant la loi: « Le droit du travail en prison passera par la case constitution ».

Avec le développement des peines alternatives, reste-t-il encore une utilité à la prison?

Brève histoire de la prison

On trouve des traces de l’enfermement à titre préventif uniquement, dès la période romaine. À cette période la prison sert uniquement à enfermer les criminels dans l’attente de leur jugement. L’attente est en général de courte durée avant la délivrance du jugement. À partir du 13e siècle, la prison devient petit à petit un moyen de redressement des coupables en particulier à cause du droit canonique, le cachot servant à expier les fautes du coupable (tortures et autres joyeusetés).

La prison en tant que telle s’est vraiment instituée avec la Révolution française puis au cours du 19e siècle. Elle devient peu à peu une institution disciplinaire avec un châtiment non plus corporelle, mais psychologique en accord avec les idées d’une démocratie occidentale. Les ambitions pour les prisons évoluent avec le temps avec la notion que le prisonnier doit réparer le mal qu’il a fait à la société par ses actes. La prison s’accompagne donc d’un travail obligatoire (bagne), après avoir fait son temps et payé sa dette le prisonnier ressort blanchi pour prendre un nouveau départ.

Au cours du 20e siècle, une nouvelle vision s’ajoute et vient transformer la prison en lieu de rééducation. L’idée forte devient le redressement du prisonnier déviant pour l’adapter à notre société.

Enfin depuis une trentaine d’années l’idée même de la prison est remise en cause par l’adjonction de peines alternatives à la prison pour des délits plus ou moins graves à l’aide des bracelets électroniques, travail d’intérêt général, rappel à la loi, sursis, placement extérieur, etc…

En comparaison des autres pays, la France utilise très peu l’enfermement en prison. On compte ainsi 101 prisonniers pour 100 000 habitants (chiffre ICPS). À titre de comparaison, les USA en enferment 716 pour 100 000. La différence est énorme, plus de 7 fois le taux d’enfermement en France…

Une prison moderne

Objectifs de la prison

Aujourd’hui après de nombreuses mutations, les objectifs sont vagues, flous et non définis. Il conviendrait de les graver dans le marbre en les inscrivant dans la constitution. Mais quels sont ses objectifs? À mon sens, celui-ci reste trop peu débattu dans l’espace public.

La prison se doit de répondre à trois grands objectifs:

  • Protéger
  • Punir
  • Réparer

Protéger:

C’est là l’essence même de la prison. Mettre la société à l’abri des agissements d’un individu dangereux pour elle. Cet objectif est de plus en plus complexe à remplir en particulier dû à la lenteur inhérente à la justice. Le placement en détention provisoire est devenu au fil du temps de moins en moins accepté par notre société. De retentissantes erreurs judiciaires ont conduit le législateur à créer un juge de la liberté et de la détention (loi du 15 juin 2000) avec l’immense pouvoir de mettre ou non un détenu en préventive. Il en résulte un nombre au moins aussi grand de personnes soupçonnées qui disparaissent dans la nature ou pire qui renouvelle leurs crimes ou délits. On pourra notamment se souvenir de cette sombre histoire dans le nord de la France: « Remise en liberté d’un homme suspecté de viols : et la sécurité des Arrageois ? ».

Se pose-la un problème très épineux. Vaut-il mieux privilégier la liberté individuelle, ou la protection collective? Clairement dans notre société moderne, le curseur s’est progressivement déplacé vers la liberté individuelle en ignorant de plus en plus la sécurité collective. La justice ne fait à ce titre que suivre la tendance générale de notre société à être de plus en plus individualiste…

Punir:

La fonction punitive de la prison à une valeur éducative malgré ce qu’en pense certains. Si la prison devient un centre de vacance (oui j’exagère volontiers!) ou un centre de rééducation, elle faillit à cette fonction. Une grande partie de la nature humaine fonctionne ainsi, punition et récompense. Dans le monde du travail en particulier un salarié qui fait très bien son boulot sera récompensé, celui qui y met de la mauvaise volonté sera puni de multiple façon (retard à l’avancement, absence de prime, poste moins convoités, etc.). On peut disserter longtemps sur cet état de fait, il n’empêche que l’Homme est ainsi fait, sans récompense et sans punition le système se grippe. Les bonnes actions deviennent progressivement « inutiles », les mauvaises deviennent un moyen comme un autre d’aboutir à ses fins…

Réparer:

Réparer, une fonction complexe en terme de justice en particulier avec les crimes de sang. A la suite d’un jugement, la plupart du temps les parties civiles se voient attribuer des dommages et intérêts. La meilleure façon de les obtenir reste encore de faire travailler le détenu pendant sa détention. Avec ce qu’il gagne pendant son séjour en prison, le détenu peut, au moins en partie, réparer la dette qu’il doit à la société et à ses victimes. La fonction réparatoire participe aussi à la fonction punitive et éducative de la prison en faisant la liaison délit -> dette -> réparation -> annulation de la dette.

Rééducation, voir éducation?

Vous allez me dire qu’il manque une fonction essentielle de la prison, la rééducation. Dans mon esprit ce n’est pas son rôle. Si déjà la prison fonctionne correctement et assume les 3 fonctions citées plus haut ce sera une énorme victoire. Pour moi la rééducation devrait se faire dans des établissements distincts à la prison. On pourrait les nommer centre de rééducation par exemple. Ils auraient pour unique fonction de réapprendre ou d’apprendre au détenu comment fonctionne la société et comment se comporter en son sein. Bien sûr il faudrait adapter le temps de présence dans ces centres à la durée de détention effectuée. Dans l’esprit même des détenus, tout devient alors beaucoup plus clair. La prison pour purger sa peine et solder ses comptes avec la société, puis un centre de rééducation pour remettre le citoyen qu’est le détenu, dans le droit chemin et lui permettre de mener une vie en société conforme à ce qu’on attend de lui.

Conclusion:

Il est urgent de redéfinir le rôle de la prison dans notre société. Il faudrait accès son rôle sur ces 3 fonctions fondamentales (protéger, réparer, punir), construire de nouvelles prisons avec ses objectifs en tête, et procéder à l’aménagement de centre de rééducation. Cela nécessite beaucoup de moyens, et les effets bénéfiques ne se feraient pas sentir immédiatement. Cela justifie sans doute la quasi-absence de débat au parlement sur ces questions et le peu d’intérêt que portent nos dirigeants sur ces questions… Il est vrai que ce n’est pas trop vendeur en période de disette d’investir dans ce genre d’établissement, mais on ne peut pas oublier les victimes et les effets destructeurs de la délinquance. L’économiste Jacques Bichot a estimé le coût de la délinquance à 150 Milliards d’Euros par an. Cela représente 7,5% de notre PIB. De quoi faire rêver notre président à la recherche de la moindre miette de PIB…

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